• Lundi 20 septembre 2010 : la fabrication d'un tapis

    Nouveau lever de soleil à plus de 3100m. Aujourd'hui, nous levons le camp et redescendons vers des contrées plus clémentes, épargnées par la neige (du moins nous l'espérons). En pointant le bout du nez dehors à la place du chat (cette fois-ci), nous constatons le retour du soleil mais également du froid. Nous reprenons la même route qu'il y a deux jours vers Naryn, celle qui suit le tracé de la Route de la Soie. Par contre, aujourd'hui, la visibilité est totale. Nous découvrons donc le paysage que nous avons manqué en arrivant : de vastes étendues relativement plates mais toujours cernées aux quatre points cardinaux de reliefs.

    Vaste plaine le long de la Route de la Soie

    Nous laissons également sur le bas-côté un camp de travailleurs chinois qui travaillent à la réfection de la piste.

    Camp d'ouvriers chinois

    Sur le bord de la route se joue un remake du court métrage "For the birds" de Pixar : les fils sont couverts d'oiseaux piaillant. Alors fils électriques, gaines du téléphone ou perchoirs ?

    Courant, téléphone ou perchoir ?

    Si vous souhaitez voir le court-métrage allez sur YouTube par exemple là : http://www.youtube.com/watch?v=yJzQiemCIuY. Vous comprendrez mieux le côté comique de la scène.

    Nous reprenons de l'altitude pour franchir le col qui nous fera basculer sur Naryn. La neige, qui n'avait pas vraiment quitté les crêtes alentours, refait son apparition autour du véhicule. Tout, autour de nous, est immaculé et majestueux. Notre attention se porte sur quelques poteaux électriques renversés comme au milieu de cette image.

    Sommets immaculés

    Sur l'autre versant au contraire, les couleurs ressurgissent et la fin de l'été triomphe sur les premiers assauts de l'automne.

    Retour de la couleur

    Après une nouvelle halte à Naryn pour déjeuner dans une cantine populaire, nous reprenons la route. Nous pouvons rapidement nous rendre compte que cette vallée a été relativement épargnée par les chutes de neige qui nous ont bloquées ces derniers jours. Par contre, une tempête a laissé son empreinte.

    Poteau à terre Poteau à terre

    A mesure que nous progressons vers le nord, le paysage évolue : plaines cultivées ou destinées à l'élevage, gorges étroites aux parois abruptes et enfin routes de montagne.

    Vaste plaine Gorge Passage au col du Dolon

    Nous marquons une halte au sommet du Dolon à 3030m le temps de remplir le réservoir à partir d'un jerrican. De nombreux véhicules sont également arrêtés pour immortaliser ce passage et photographier les environs. Tout le monde n'a en effet pas la chance de voyager autant que nous et nombre de Kirghizes n'ont quasiment jamais quitté leur ville. Je pense également que des traces de croyances animistes restent présentes dans certains esprits et qu'il convient de rendre hommage à la montagne pour la franchir sans encombre.

    Quelques lacets plus bas, la vue est bien plus spectaculaire tant les couleurs et les plis du terrain sont diversifiés autour d'une route qui lézarde. Le Kirghizistan ne finira jamais de me surprendre. Et les jours qui viennent confirmeront cette tendance.

    Dans la descente du col du Dolon

    Nous arrivons en milieu d'après-midi à Kochkor, ville étape pour rejoindre les lacs : au sud-ouest le Song Koul et au nord-est, l'Issyk Koul. Elle s'étire également en longueur le long d'une artère principale. Non loin du centre, nous nous rendons à la maison d'hôtes d'Erkin à proximité de champs de patates où des ouvriers s'escriment à gagner leur vie (ils sont payés au poids). La bâtisse est dotée d'un confort maximal et Erkin met à disposition de tous ses hôtes un album photos la montrant au côté des précédents voyageurs y compris une stagiaire venue six mois travailler à l'office du tourisme local (CBT).

    Nous ne nous éternisons pas car nous sommes attendus à la coopérative locale des femmes pour une démonstration de la fabrication du shyrdak, le tapis en feutre traditionnel utilisé pour décorer les intérieurs. Cette entreprise familiale emploie 60 femmes sur place ou à domicile.

    Pour commencer l'élaboration, il est nécessaire de procéder à la tonte du mouton. Il faut ensuite laver la laine à l'eau froide puis la frapper avec des tiges de fer ou d'acier pour la désagréger. Cette opération est plus efficace si elle s'effectue sur une peau de mouton. Les lames utilisées, semblables à des sabres d'escrime, se trouvent au pied de la chaise sur l'image ci-dessous.

    Shyrdak et lames pour battre la laine

    On étale ensuite sur le sol une natte de paille ou de roseau sur laquelle on empile la laine sur 8 couches : dans le sens horizontal puis dans le sens vertical, de nouveau dans le sens horizontal et ainsi de suite ...

    Empilement de la laine sur 8 couches

    Il est alors possible de s'attaquer aux motifs que l'on souhaite "imprimer" sur le tissu. Une fois celui-ci dessiné, il faut enrouler la natte et l'arroser d'eau chaude ce faisant.

    Enrouler la natte Arroser avec de l'eau chaude

    On saucissonne le tout et on l'écrabouille avec les pieds pour le presser/l'essorer. Il arrive également dans les campagnes que, pour cette étape, on utilise un rouleau tracté par un cheval sur des kilomètres en réhumidifiant le rouleau régulièrement. C'est d'ailleurs selon ce procédé qu'est confectionné le feutre des gers mongoles ou des boz-u kirghizes.

    Essorage

    Sur un fond de musique, Azamat et l'artisane se mettent à se trémousser pour essorer le tapis. Mais par respect envers eux, la vidéo immortalisant cet instant ne sera jamais diffusée bien qu'ils n'aient en rien l'air ridicules. Je participe ensuite à ce cours de fitness improvisé car l'opération est plutôt longue.

    Il convient alors de laver le tapis à l'eau froide et de le sécher à trois reprises. C'est l'opération la plus harassante car elle requiert de se mettre à genoux et d'utiliser ses avant-bras.

    Essorage final

    Enfin, il faut nettoyer le tapis à l'envers avec du savon naturel et le mettre à sécher. "Notre" tapis fut très réussi.

    Nous passons ensuite dans un petit musée et dans la boutique où nous nous contentons d'enfiler d'épais manteaux d'hiver pour poser pour une photo. Nous retournons pour finir à la maison d'hôtes où Lena et Erkin prennent soin de nous.


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  • Mardi 21 septembre 2010 : Le second plus grand lac alpin du monde

    Il est des personnes qui, bien qu'on ne les connaisse pas ou si peu, vous marquent très rapidement de par leur personnalité atypique. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais Erkin est de celles-là. Nous n'avons pas passé beaucoup de temps avec elle, pourtant cela m'a suffit pour qu'elle me touche par sa bonté et sa chaleur humaine. Ce matin, elle est aux petits soins pour nous et nous a concocté un petit déjeuner original et un peu déroutant pour certains ...

    Au quotidien, elle nous apprend qu'elle est médecin. Elle semble apprécier fortement l'accueil d'étrangers dans sa demeure et partage cette joie via l'album photos que nous avons trouvé hier soir.

    Erkin

    Le temps avant le terme du voyage s'égrène inéluctablement. Pourtant, nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises et le Kirghizistan nous réserve encore un étourdissant bouquet final dans les trois prochains jours.

    Le paysage défile rapidement à travers les vitres de la voiture. Le relief se fait de plus en plus plat car nous n'allons plus cesser de descendre désormais. Nous marquons une première pause à Horto Tokhoï. Il s'agit d'un lac de barrage servant à l'irrigation des plaines jusqu'aux champs de blé du Kazakhstan voisin. Une dernière fois, les teintes les plus diverses resplendissent devant nos yeux comme pour égayer par quelques habiles coups de pinceau le décor alentour.

    Horto Tokhoï

    Quelques kilomètres plus loin, une ouverture dans les vallons nous révèle une vaste surface bleutée : nous arrivons sur le lac Issyk Koul. A notre gauche, nous laissons une ancienne ville industrielle dans laquelle nous passerons d'ici 48h : Balakchy. Il s'agit d'une cité de 40 000 habitants en train de mourir depuis l'Indépendance. Elle vivait jadis des conserveries de poissons et de l'activité de son port. Mais une surexploitation à outrance des ressources halieutiques a poussé les autorités à interdire désormais la pêche dans le lac et, par là même, à condamner une ville à l'oubli.

    Arrivant de Kochkor, nous sommes amenés à longer la rive sud du lac, la plus naturelle et la plus préservée des hordes touristiques russes qui déferlent sur les stations balnéaires du nord. Nous évoluons longuement en bordure de champs ou à travers de nombreux petits villages. Au loin, de géants massifs continuent de veiller sur notre progression. Sur notre gauche, le lac n'est pour le moment plus visible.

    Rive sud de l'Issyk Koul

    Puis, nous bifurquons à gauche et nous engageons sur une piste en mauvais état. Youri est obligé d'adapter sa conduite à un sol qui est en outre humide. Il en faudrait peu pour que nous nous croyions en plein rallye ! L'espace est encore dégagé sur quelques centaines de mètres ...

    Bifurcation vers le lac Issyk Koul

    ... puis nous pénétrons dans un lit de rivière bordé de hautes concrétions de sable. En dehors du couloir où nous nous trouvons, nous n'avons aucune idée de l'allure générale du paysage mais la surprise sera de taille d'ici quelques heures.

    Dans le lit de la rivière

    Nous débouchons après une poignée de minutes au bord du lac où nous établissons le bivouac pour les deux prochaines nuits.

    Rive du lac Issyk Koul

    Le lac Issyk Koul mesure 180km de long sur 70km de large. Sa profondeur maximale est de 702m. Il se situe à 1606m d'altitude, ce qui en fait le second plus grand lac alpin au monde derrière le lac Titicaca entre le Pérou et la Bolivie. Son nom signifie "lac chaud" car même au plus froid de l'hiver il ne gèle jamais. Au moment où nous y étions, nous avons pu nous baigner deux fois et sa température avoisinait les 12°C (ce qui est toujours plus chaud que les rivières que nous avons connues depuis le départ).

    Près de 200 rivières aboutissent aujourd'hui au lac et nous sommes arrivés par le lit de l'une d'entre elles. Par contre, aucune n'en sortirait. Dans les dernières décennies, le niveau du lac a baissé mais il s'est aujourd'hui stabilisé.  Son pourtour et, de façon encore plus flagrante, sa rive nord sont bordés de sommets culminant à 4700m ou 4800m pour les plus hauts. Ainsi, ce que l'on prend souvent pour une mer de nuages (sur la photo panoramique ci-dessous par exemple), est en réalité une chaîne enneigée.

    Issyk Koul

    Après le déjeuner, nous avons quartier libre jusqu'en fin d'après-midi où nous irons voir le coucher de soleil depuis les hauteurs. Je prends rapidement un bain dans le lac puis pars avec G. marcher dans un autre lit de rivière. La forme des concrétions me rappelle certains cônes de tuf cappadociens sculptés par l'érosion.

    Lit de rivière menant à l'Issyk Koul

    En revenant au camp après une heure de promenade, nous nous désaltérons  et repartons de suite en groupe vers le sommet du coin coiffé d'une espèce d'ovoo ou de paratonnerre. Nous croisons en cours de route quelques lièvres que nous ne remarquons qu'au dernier moment alors qu'ils se lancent dans une course effrénée. Nous nous amusons sur quelques promontoires en toute insouciance. Voici la photo d'Azamat, de G et de JC :

    Jeu sur un promontoire

    Et soudain c'est le drame ! Tout s'est passé si vite que nous n'avons pas vu arriver cette situation catastrophique : nous avons oublié le Uno au campement !

    Bouleversés par cet effroyable coup du sort, nous montons une équipe de sauvetage dont je fais partie. Pendant que G. et JC gravissent sans oxygène la face nord du terrible mont de l'Ak-Saï au prix d'un effort démesuré, nous rebroussons chemin à marche forcée pour récupérer notre Graal qui nous permettra d'attendre le coucher du soleil en toute quiétude.

    Puis nous devons rejoindre le reste de l'expédition au sommet. Nous empruntons pour ce faire un chemin sur les crêtes des concrétions qui permet de mieux se rendre compte du paysage dans lequel nous évoluons (je vais continuer à garder le suspense, deux photos supplémentaires).

    Sur les crêtes Sur les crêtes

    Après nous être tous retrouvés, je reste le souffle coupé en découvrant notre environnement depuis ce matin : un nombre infinis de concrétions constellent le paysage sur des kilomètres ! Un labyrinthe minéral sans fin ! Qu'est ce que la vue doit être incroyable vue du ciel !

    Un labyrinthe minéral

    Il reste encore une bonne heure avant le coucher du soleil. Nous immortalisons le succès de notre expédition au sommet puis revenons aux choses sérieuses en disputant d'âpres parties de Uno. De l'autre côté du lac, les montagnes semblent voler au-dessus des nuages :

    Les montagnes flottantes

    La lumière décline doucement changeant sans cesse la physionomie des paysages.

     Paysage de l'Issyk Koul au soleil couchant Paysage de l'Issyk Koul au soleil couchant

    Nous redescendons avec les derniers rayons du jour, des images plein la tête. Au campement, une autre surprise nous attend : Lena nous a gâtés en préparant le plat national par excellence, le beshbarmak que l'on peut traduire en français par "cinq doigts". Il s'agit d'une pièce de viande (du mouton ce soir) agrémentée de pommes de terre, oignons, larges pâtes ... que l'on mange avec les doigts et qui se prépare pour les grandes occasions ou les jours de fête (comme le 21 mars). Les voisins sont invités le jour de la fête et doivent rendre la pareille le lendemain ou dans les mois qui suivent.


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  • Mercredi 22 septembre 2010 : grillades et feu de bois

    Aujourd'hui les paysages seront moins spectaculaires. Nous allons marcher jusqu'à un petit lac à 8km du bivouac. J'apprécie de pouvoir à nouveau randonner après tous ces jours bloqués par la neige.

    Etant réveillé plus tôt que prévu, je me prépare en vitesse et accomplis en solitaire une petite marche vers les crêtes.

    Sur les crêtes Vue sur les crêtes

    Cette journée va nous permettre d'approfondir notre découverte de l'Issyk Koul en prenant davantage le temps de regarder sa flore. Pour l'essentiel, il s'agit de bas buissons résineux et sans feuille dans le genre saxaoul. Une dizaine de variétés de fleurs viennent embellir et égayer le sol.

    Buisson résineux Fleur Fleur Fleur Fleur

    Nous cheminons le long d'une piste restée boueuse par endroits suite aux dernières intempéries. De temps à autre, nous traversons un lit de rivière asséchée ou voyons un lièvre détaler à notre approche. Des buissons contigus à notre route jaillissent des files de perdrix nous ouvrant la voie, semblables à des éclaireurs. Au milieu de la végétation, gambadent également quelques rongeurs en quête de nourriture. Le paysage est aride, mais la vie grouille donc partout.

    Lit asséché Perdrix

    Nous croisons également des villages schtroumpfs : avec la combinaison favorable de  la pleine lune et de l'humidité, des champignons ont tôt fait de sortir de terre et le moindre accrochage projette dans les airs une volée de spores.

    Champignons

    Nous atteignons une zone asséchée où le craquèlement de la terre rappelle des copeaux de bois ou, pour les plus gourmands, de chocolat au lait.

    Craquèlement de la terre

    Tout du long, nous avons progressé à une centaine de mètres environ de la rive. A présent que nous arrivons à une sorte de station balnéaire, nous nous rapprochons de l'eau. Les parasols de bois et de paille séchée ainsi que l'eau azurée contrastent violemment avec les sommets enneigés en arrière-plan.

    Mer et montagnes enneigées

    Au sommet d'un ultime faux-plat montant, nous aboutissons à un petit lac au bord duquel rouille tranquillement un wagon-citerne. Nous avons atteint le but de notre marche. Au vu des détritus qui flottent à sa surface, nous sommes cependant tous déçus. Pourtant l'endroit est très prisé des Russes, Kazakhs et habitants de Bichkek qui viennent y prendre des bains. Ce lac possède en effet une spécificité : en ayant été progressivement isolé de l'Issyk Koul lorsque le niveau de ce dernier a baissé, la salinité a considérablement progressé au point que l'on peut flotter à sa surface comme dans la mer Morte ! Des douches et des baignades dans l'Issyk Koul permettent ensuite de se rincer du sel.

    Lac salé

    Nous redescendons au bord du grand lac et préparons le pique-nique. J'en profite pour évoquer avec Azamat les loisirs dans les villes. Une patinoire a ouvert ses portes il y a deux ans et séduit de plus en plus d'adeptes. L'été une piscine permet de se rafraîchir lorsque le mercure dépasse les 30°. La même piscine est ensuite couverte l'hiver pour offrir aux citadins une possibilité de batifoler dans l'eau. Le cinéma est une distraction plutôt onéreuse à laquelle les foyers modestes ne consacrent pas plus de deux sorties par mois. La télévision propose de nombreuses chaînes surtout à Bichkek contre 6 seulement à la campagne. Leur nombre peut augmenter si l'on s'abonne au câble mais le prix est pour beaucoup inabordable. Enfin, l'Internet  s'utilise dans les cybercafés qui proposent des connexions d'une heure pour 30 soms (0,5 euro). L'abonnement individuel est sinon prohibitif.

    Rassasiés, nous repartons par le même chemin vers le campement. Nous voyons les alentours d'un oeil parfois neuf : dans ce sens, de nouveaux détails apparaissent comme ces veines sculptées par les éléments.

    Veines dans le paysage

    Nous voyons également de plus près les deux îles ou îlots du lac.

    Ilots sur l'Issyk Koul

    Après 5h de marche aller-retour, nous approchons enfin du bivouac et nous lançons dans le ramassage du bois mort. Ce soir, un feu de joie est au programme. Le tas que nous avons collecté est suffisamment haut pour que notre feu dure plus d'une heure.

    Sur la fin d'après-midi, nous allons aussi nous baigner une seconde fois dans le lac et nager quelques minutes, l'eau étant quand même un peu froide lorsque l'on rentre et ressort plusieurs fois.

    Puis, vient le moment de cuire sur du charbon de bois de pommier l'autre spécialité du pays que Youri et Lena, ces travailleurs de l'ombre, nous ont préparés durant toute la journée : les chachliks. Il s'agit de brochettes dont le nom signifie "six morceaux" car ils alternent viande (de mouton, boeuf ou poulet) et gras. Comme en Mongolie, le gras est une partie noble que l'on offre pour honorer un invité. Il convient donc de le manger et grillé ce n'est pas si indigeste.

    Nous terminons la soirée autour du feu alimenté par les fagots que nous avons rassemblés en fin d'après-midi. Celui-ci atteint rapidement une belle proportion. Et d'autres lui font écho dans le lointain. Probablement des pêcheurs qui bravent l'interdiction pesant sur le lac. Des étincelles jaillissent régulièrement dans les airs avant de s'éteindre lentement dans l'obscurité. Mon esprit se perd dans les souvenirs de ces derniers jours et associent chacune d'elles à un paysage marquant ou à une rencontre éphémère. C'est notre dernière soirée en plein-air ! Notre dernière nuit tous ensemble car demain nos routes prendront de nouvelles trajectoires...

    Feu de camp


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  • Jeudi 23 septembre 2010 : Quand les voies se séparent

    Ce matin, je me lève un peu avant 6h30 pour assister au lever du soleil sur l'Issyk Koul. Mais celui-ci ne viendra pas à ce rendez-vous, le temps étant couvert. Après avoir démontés notre dernier camp, nous partons en avant à 4 en attendant que Youri et Lena ne nous rattrapent avec le camion. Nous parviendrons à l'entrée du lit de rivière menant à la sortie des concrétions. Après avoir croisé un berger hagard à la recherche de son troupeau de vaches, nous nous engouffrons dans la veine asséchée où bat, à certaines saisons, le pouls du lac. A l'approche du camion, nous nous cachons un temps dans un sillon parallèle avant de surgir devant le camion au dernier moment. Nous aurions moins fait les malins si Youri avait filé sans nous repérer ...

    La piste est plus praticable que lors de notre rallye-raid d'il y a deux jours. Nous regagnons ainsi la route bitumée sans encombre. Déroulant ce ruban asphalté, nous marquons une première halte à proximité de la roulotte d'un apiculteur.

    Ruches

    Nous poussons ensuite jusqu'à Balakchy, l'ancien centre industriel de l'ouest du lac. Notre second arrêt permet un ultime ravitaillement en vue du déjeuner de midi. En bord de route, des commerçants proposent des poissons séchés du lac ou de Russie. Malgré l'interdiction officielle, des contrevenants continuent d'exercer leur profession. Aussi ces deux derniers jours avons-nous pu constater des indices de leur activité : des bouteilles en verre flottant à la surface et auxquelles sont suspendus des filets. Ceux-ci sont relevés de nuit pour plus de discrétion.

    Un side-car Poissons séchés

    Nous reprenons à nouveau la route et sortons du Parc National. A notre gauche, nous longeons la voie ferrée, la seule du pays qui relie Bichkek et Balakchy. Peu après, nous reprenons nos fonctions de porte-bonheur vivants : en dépit de son détecteur de radar, Youri se fait arrêter pour excès de vitesse. Deux prunes avec deux chauffeurs, nous affichons une belle réussite, non ? Le dénouement est fidèle au slogan d'une marque de biscuits chocolatés : un p'tit bakchich et ça repart ! Mais ça ne "repart" pas très loin car nous sommes arrivés au point de départ de notre dernière marche : le Canyon de Boom qui cache remarquablement bien son jeu. Après avoir franchis la voie ferrée, nous grimpons quelques minutes le long d'un sentier caillouteux avant d'entrer dans une gorge plutôt large. Nous croisons sur place quelques autochtones : un serpent et quelques perdrix. Puis les parois se resserrent de plus en plus. Notre chemin nécessite à 3 reprises une mini-escalade pour franchir ce qui doit être, au moment de la fonte des neiges, des cascades depuis lesquelles l'eau tumultueuse s'élance vers la vallée en contrebas et sculpte lentement le lit tortueux. Mais rien ne laisse supposer qu'en haut nous attend une magnifique récompense : le Bryce Canyon kirghiz !

    Montée vers le Canyon de Boom Montée vers le Canyon de Boom

    Au détour d'une ultime coudée, nous débouchons dans un paysage de far-west où ne manquent plus que les indiens (ils étaient en RTT) et le portrait de 4 président(e)s kirghizes (qui changent trop souvent pour que les sculpteurs aillent au terme de leur travail).

    Canyon de Boom Canyon de Boom Canyon de Boom

    Après une heure de redescente par la même voie, nous retrouvons le reste de l'équipe et couvrons quelques kilomètres jusqu'à une aire de repos. Nous prenons place dans une yourte autour de la table traditionnelle d'Asie Centrale (une table basse posée sur une sorte de lit en bois à 2 places) pour déjeuner.

    Bien des tours de roues plus tard, nous parvenons au dernier site touristique du parcours : la Tour de Burana. Au 11ème siècle, une ville entière était édifiée à cet endroit. Il n'en reste aujourd'hui qu'un minaret de 27 m (sur les 47m initiaux) se dressant sur un fond de sommets enneigés. Sa fonction était celle d'une tour de guet. Sur ce site archéologique se trouvent également un petit musée présentant quelques produits des fouilles, des stèles anthropomorphiques et des statues funéraires du VIème au Xème siècles.

    Burana - Vestiges Burana - Pétroglyphe Tour de Burana

    Nous retrouvons ensuite avec tristesse la capitale, signe de proximité du terme de notre séjour. Nous la traversons de part en part pour rallier le bazar d'Osh, une ruche fourmillant de commerces en tout genre (sauf de tchapans aux goûts occidentaux ). La foule est également très dense et le brouhaha ambiant contraste avec notre "solitude" des derniers jours.

    Bichkek - Etal du Osh Bazar

    Nous rejoignons enfin l'hôtel Ultimate Adventure et y retrouvons Ismail et son adjoint ainsi que Nargiza et Moxat, les jeunes gardiens de la guest-house. Nous avons rendez-vous dans 1h30 avec Lena, Azamat et Youri pour clôturer à 6 le séjour. Sans le savoir nous nous retrouvons dans le meilleur restaurant de la ville et une dernière surprise va animer notre soirée : peu après notre arrivée débarquent quatre jeunes filles. Youri les repère illico et change totalement d'attitude. Les échanges avec Azamat et Lena sont plus vifs ... En fait, l'une de ces personnes est une actrice d'un film d'action que Youri adore. Il finit donc par aller chercher le DVD dans son camion et par le faire dédicacer. Puis suit un autre kirghize ...

    Au retour à notre hôtel, il ne reste plus que 3 heures avant notre séparation : G. et JC retournent en Europe par le vol de 3h du matin tandis que je reste ici deux jours supplémentaires pour profiter au maximum de mon séjour.  


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  • Vendredi 24 septembre 2010 : les gorges d'Alameddin

    Minuit sonne, je me lève en même temps que G. et JC pour les accompagner jusqu'à leur départ de la guest-house. C'est la première fois dans un voyage organisé que je me sépare du groupe. Et quel groupe ! Je vous aurais bien enchaînés pour que vous restiez plus longtemps mais j'avais oublié le matos à la maison...

    Avant mon départ, je me doutais fortement que ce pays allait beaucoup me plaire et, en attendant une éventuelle seconde visite, je voulais pousser la découverte vers les montagnes au sud de Bichkek. Ne connaissant pas alors notre agence locale, j'avais également réservé une chambre dans une guest-house coréenne dont je reparlerai plus bas.

    Une fois mes compagnons partis, je me suis lancé à corps perdu dans une bataille aérienne brutale. Après avoir subit le pilonnage intensif de l'ennemi et entendu le vrombissement continu de ses aéronefs, je décide de passer à l'offensive et abats trois des siens en plein air. La bataille fera longuement rage dans un duel incertain. Au bout de la nuit, nos deux camps dressent le bilan des affrontements : aucun dommage de mon côté mais une nuit sans sommeil. Saleté de moustiques !

    Au petit matin, je dois reconstituer mes forces après une nuit d'intense activité. Et le petit-déjeuner servi par Nargiza et Moxat est particulièrement copieux. On attend quelqu'un ? Comment ça c'est uniquement pour moi ? Nous conversons ensuite de leurs tâches au sein de l'auberge.

    Sur ces entrefaites arrive Ismail  avec qui je planifie mes excursions des deux prochains jours : Alameddin aujourd'hui, Tatyr demain. Pour me conduire sur place, il fait appel à Victor qui sera à ma disposition pour les deux prochains jours y compris pour m'emmener à l'aéroport demain soir. Et Ismail me donne une carte pour m'orienter puisque je serai seul dans la montagne.

    J'embarque à bord de l'Audi de Victor en direction du sud. A ce sujet, je dois souligner le nombre effarant d'Audi, BMW et Mercedes au Kirghizistan. Si vous en possédiez une il y a une bonne dizaine d'années, vous avez toutes les chances de la retrouver là-bas. Seules les Lada sont à peu près aussi nombreuses (et encore ...).

    Nous traversons d'abord une forêt au sein de la capitale : la forêt des panneaux électoraux en vue des législatives du 10 octobre. Avec 29 partis en lice, le moindre recoin ou panneau est tapissé d'affiches électorales, des voitures défilent avec des drapeaux aux couleurs de leurs poulains ... Nous quittons ensuite la capitale et longeons le fil directeur du jour : la rivière Alameddin. Au bord de la route, un feu d'artifice illumine le décor : les arbres se parent de teintes automnales, chacun d'eux possédant plusieurs couleurs : un côté jaune-or et un autre vert ou rouge. J'en prends plein les yeux !

    Au second plan, des rangées de datchas où viennent se réfugier les citadins à la moindre occasion. Je ne parle hélas que quelques mots de russe, j'ai donc des problèmes pour faire la conversation avec Victor : j'ai surtout compris qu'il était chauffeur de taxi d'origine ukrainienne et qu'il était passionné de pêche. Pour le reste, c'est plus personnel...

    La route s'élève ensuite dans les montagnes jusqu'à devenir une piste. A 11h, je m'élance pour la balade de la journée. Je devais théoriquement traverser une passerelle pour passer à droite de la rivière. Hélas, un chien gardien de yourte (les plus affectueux) ne l'entend pas de cette oreille et s'élance derrière moi. Un ruisseau me permet de me défaire de ce cerbère. J'opte donc pour le côté gauche et prend de la hauteur au milieu des éboulis.

    L'intégralité de ma promenade se fera dans une ancienne vallée glaciaire relativement encaissée dont le paysage est de type alpestre ou pyrénéen. Au fond de ce couloir naturel s'écoule la rivière dont le grondement s'élève le long des flancs des montagnes. La végétation est assez variée : pâturages, forêts, chardons géants de près d'1,5m de haut et nombreux arbustes épineux. Le sentier étant sûrement peu fréquenté (hormis par les bergers locaux), il faut souvent que je me fraie un chemin dans les fourrés non élagués, me faisant griffer au passage. Son tracé épouse la forme des vallons qu'il rencontre et créé des montagnes russes que j'enchaîne à un bon rythme.

    Gorge d'Alameddin Gorge d'Alameddin

    La faune n'est pas très effrayante : beaucoup de chevaux, des vaches et un lièvre mais absolument aucun caprin sauvage à ma grande surprise. Après 2h30 de montée, je prends mon pique-nique au bord de la rivière cristalline avec en arrière-plan un sommet enneigé partiellement caché dans les nuages. Ne pouvant l'atteindre dans un temps raisonnable, je rebrousse chemin et, en 1h30, retrouve Victor qui m'offre le thé.

    Gorge d'Alameddin Gorge d'Alameddin

    Une heure plus tard, nous retrouvons Bichkek. Victor me dépose au Tsoum, le grand magasin dans le genre de ceux du boulevard Haussmann à Paris. Il s'y vend de tout (alimentation, vêtements, souvenirs, meubles ...) sauf les tchapans (sinon je t'en aurais pris un ).

    De retour à Ultimate Adventure, je prends mes affaires et pars à la recherche de la guest-house coréenne avec quelques indications approximatives en poche. Je la trouverai toutefois relativement facilement. Le confort est plus que satisfaisant et les moustiques sont aux abonnés absents. Un paradis !

    Après une brève balade, je retourne à Ultimate Adventure où je dois retrouver Azamat pour aller diner ce soir. En l'attendant, je fais plus ample connaissance avec Moxat, le jeune gardien des lieux, resté seul pour le week-end. Il est étudiant en architecture et travaille en parallèle à l'auberge 6 mois par an. Etant le cadet de sa famille, il rêve de partir outre-Atlantique plutôt que de s'occuper de ses parents comme le veut la tradition.

    Azamat me récupère et m'emmène au centre vers la place Ala Too. Sur une vaste esplanade, une rampe soutient un immense drapeau national. Celui du Kirghizistan est totalement rouge en l'honneur d'Attila et son centre est occupé par un soleil jaune à 40 rayons pour les 40 tribus originelles qui s'unirent contre l'invasion mongole. Quand au disque central de l'astre, il est en forme de tunduk, l'ouverture sommitale des boz-u.

    Bichkek - Place Ala Too

    Toutes les deux heures, la garde d'honneur se trouvant à son pied est relevée. Et l'avenue passant devant est bouclée à partir de 20h pour laisser la place aux habitants. D'ailleurs, elle est bondée à cette heure et des jeux de fontaine et de lumière viennent agrémenter l'ensemble.

    Après le repas, Azamat évoque sa famille et une fête typique dans le foyer lorsqu'un enfant accomplit ses premiers pas. Pour marquer l'événement, un mouton est égorgé. De petites courses avec les jambes liées sont organisées : d'abord les enfants, puis les femmes et enfin les hommes.

    Azamat souhaite ensuite venir découvrir la Sekura guest-house que personne ne connait chez Ultimate. Nous prenons donc un minibus pour nains de jardin : il s'agit d'une boîte à sardines dans laquelle nous nous entassons à 20 ou 30 et au plafond suffisamment bas pour que ma tête s'enfonce dans le toit capitonné. "Azamat dis-moi stp quand on descend car je ne vois plus la route" ! 3 compagnies se partagent la capitale et le trajet revient à 10 soms après 21h contre 8 avant.

    Parvenus à la guest-house, je lui fais visiter les lieux avant qu'il ne rentre chez lui. Une importante communauté allemande est présente : des étudiants visitant le pays avec leur enseignant. Mais je rencontre surtout Rémy un jeune français parti deux ans pour accomplir le tour du monde en vélo couché. Son voyage est tout aussi fascinant que le récit qu'il m'en fait. (Si vous souhaitez en savoir plus sur son trajet : http://remytdm.over-blog.fr/).


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