• Sur les crêtes, au milieu d'un labyrinthe minéral

    Mardi 21 septembre 2010 : Le second plus grand lac alpin du monde

    Il est des personnes qui, bien qu'on ne les connaisse pas ou si peu, vous marquent très rapidement de par leur personnalité atypique. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais Erkin est de celles-là. Nous n'avons pas passé beaucoup de temps avec elle, pourtant cela m'a suffit pour qu'elle me touche par sa bonté et sa chaleur humaine. Ce matin, elle est aux petits soins pour nous et nous a concocté un petit déjeuner original et un peu déroutant pour certains ...

    Au quotidien, elle nous apprend qu'elle est médecin. Elle semble apprécier fortement l'accueil d'étrangers dans sa demeure et partage cette joie via l'album photos que nous avons trouvé hier soir.

    Erkin

    Le temps avant le terme du voyage s'égrène inéluctablement. Pourtant, nous ne sommes pas encore au bout de nos surprises et le Kirghizistan nous réserve encore un étourdissant bouquet final dans les trois prochains jours.

    Le paysage défile rapidement à travers les vitres de la voiture. Le relief se fait de plus en plus plat car nous n'allons plus cesser de descendre désormais. Nous marquons une première pause à Horto Tokhoï. Il s'agit d'un lac de barrage servant à l'irrigation des plaines jusqu'aux champs de blé du Kazakhstan voisin. Une dernière fois, les teintes les plus diverses resplendissent devant nos yeux comme pour égayer par quelques habiles coups de pinceau le décor alentour.

    Horto Tokhoï

    Quelques kilomètres plus loin, une ouverture dans les vallons nous révèle une vaste surface bleutée : nous arrivons sur le lac Issyk Koul. A notre gauche, nous laissons une ancienne ville industrielle dans laquelle nous passerons d'ici 48h : Balakchy. Il s'agit d'une cité de 40 000 habitants en train de mourir depuis l'Indépendance. Elle vivait jadis des conserveries de poissons et de l'activité de son port. Mais une surexploitation à outrance des ressources halieutiques a poussé les autorités à interdire désormais la pêche dans le lac et, par là même, à condamner une ville à l'oubli.

    Arrivant de Kochkor, nous sommes amenés à longer la rive sud du lac, la plus naturelle et la plus préservée des hordes touristiques russes qui déferlent sur les stations balnéaires du nord. Nous évoluons longuement en bordure de champs ou à travers de nombreux petits villages. Au loin, de géants massifs continuent de veiller sur notre progression. Sur notre gauche, le lac n'est pour le moment plus visible.

    Rive sud de l'Issyk Koul

    Puis, nous bifurquons à gauche et nous engageons sur une piste en mauvais état. Youri est obligé d'adapter sa conduite à un sol qui est en outre humide. Il en faudrait peu pour que nous nous croyions en plein rallye ! L'espace est encore dégagé sur quelques centaines de mètres ...

    Bifurcation vers le lac Issyk Koul

    ... puis nous pénétrons dans un lit de rivière bordé de hautes concrétions de sable. En dehors du couloir où nous nous trouvons, nous n'avons aucune idée de l'allure générale du paysage mais la surprise sera de taille d'ici quelques heures.

    Dans le lit de la rivière

    Nous débouchons après une poignée de minutes au bord du lac où nous établissons le bivouac pour les deux prochaines nuits.

    Rive du lac Issyk Koul

    Le lac Issyk Koul mesure 180km de long sur 70km de large. Sa profondeur maximale est de 702m. Il se situe à 1606m d'altitude, ce qui en fait le second plus grand lac alpin au monde derrière le lac Titicaca entre le Pérou et la Bolivie. Son nom signifie "lac chaud" car même au plus froid de l'hiver il ne gèle jamais. Au moment où nous y étions, nous avons pu nous baigner deux fois et sa température avoisinait les 12°C (ce qui est toujours plus chaud que les rivières que nous avons connues depuis le départ).

    Près de 200 rivières aboutissent aujourd'hui au lac et nous sommes arrivés par le lit de l'une d'entre elles. Par contre, aucune n'en sortirait. Dans les dernières décennies, le niveau du lac a baissé mais il s'est aujourd'hui stabilisé.  Son pourtour et, de façon encore plus flagrante, sa rive nord sont bordés de sommets culminant à 4700m ou 4800m pour les plus hauts. Ainsi, ce que l'on prend souvent pour une mer de nuages (sur la photo panoramique ci-dessous par exemple), est en réalité une chaîne enneigée.

    Issyk Koul

    Après le déjeuner, nous avons quartier libre jusqu'en fin d'après-midi où nous irons voir le coucher de soleil depuis les hauteurs. Je prends rapidement un bain dans le lac puis pars avec G. marcher dans un autre lit de rivière. La forme des concrétions me rappelle certains cônes de tuf cappadociens sculptés par l'érosion.

    Lit de rivière menant à l'Issyk Koul

    En revenant au camp après une heure de promenade, nous nous désaltérons  et repartons de suite en groupe vers le sommet du coin coiffé d'une espèce d'ovoo ou de paratonnerre. Nous croisons en cours de route quelques lièvres que nous ne remarquons qu'au dernier moment alors qu'ils se lancent dans une course effrénée. Nous nous amusons sur quelques promontoires en toute insouciance. Voici la photo d'Azamat, de G et de JC :

    Jeu sur un promontoire

    Et soudain c'est le drame ! Tout s'est passé si vite que nous n'avons pas vu arriver cette situation catastrophique : nous avons oublié le Uno au campement !

    Bouleversés par cet effroyable coup du sort, nous montons une équipe de sauvetage dont je fais partie. Pendant que G. et JC gravissent sans oxygène la face nord du terrible mont de l'Ak-Saï au prix d'un effort démesuré, nous rebroussons chemin à marche forcée pour récupérer notre Graal qui nous permettra d'attendre le coucher du soleil en toute quiétude.

    Puis nous devons rejoindre le reste de l'expédition au sommet. Nous empruntons pour ce faire un chemin sur les crêtes des concrétions qui permet de mieux se rendre compte du paysage dans lequel nous évoluons (je vais continuer à garder le suspense, deux photos supplémentaires).

    Sur les crêtes Sur les crêtes

    Après nous être tous retrouvés, je reste le souffle coupé en découvrant notre environnement depuis ce matin : un nombre infinis de concrétions constellent le paysage sur des kilomètres ! Un labyrinthe minéral sans fin ! Qu'est ce que la vue doit être incroyable vue du ciel !

    Un labyrinthe minéral

    Il reste encore une bonne heure avant le coucher du soleil. Nous immortalisons le succès de notre expédition au sommet puis revenons aux choses sérieuses en disputant d'âpres parties de Uno. De l'autre côté du lac, les montagnes semblent voler au-dessus des nuages :

    Les montagnes flottantes

    La lumière décline doucement changeant sans cesse la physionomie des paysages.

     Paysage de l'Issyk Koul au soleil couchant Paysage de l'Issyk Koul au soleil couchant

    Nous redescendons avec les derniers rayons du jour, des images plein la tête. Au campement, une autre surprise nous attend : Lena nous a gâtés en préparant le plat national par excellence, le beshbarmak que l'on peut traduire en français par "cinq doigts". Il s'agit d'une pièce de viande (du mouton ce soir) agrémentée de pommes de terre, oignons, larges pâtes ... que l'on mange avec les doigts et qui se prépare pour les grandes occasions ou les jours de fête (comme le 21 mars). Les voisins sont invités le jour de la fête et doivent rendre la pareille le lendemain ou dans les mois qui suivent.


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