• Quand la nature se fait oeuvre d'art

    Mercredi 15 septembre 2010 : Démonstration de l'hospitalité kirghize

    Dans un décor aussi somptueux, la nuit a été des plus paisibles et je me suis laissé bercer par le bruit du courant. Pourtant, dans peu de temps, Dame Nature nous réserve encore quelques surprises que rien ne laisse présager avant de partir. 

    Nous quittons Youri et Lena après avoir replié nos tentes et partons nous promener deux heures durant au milieu d'une toile de maître. Elle conjugue harmonieusement une large palette de couleurs allant du vert de l'eau à l'azur du ciel en passant par le rouge argileux ou le blanc du calcaire.

    Au bord de la rivière Kokomeren

    Sur une faible distance, contenue dans notre champ de vision, les montagnes se parent des formes les plus diverses : sommets acérés ou émoussés, roches superposées ou juxtaposées, fractures tectoniques dans lesquelles se lit l'histoire de notre planète ou concrétions calcaires éphémères s'effritant sous les coups de boutoir d'un climat capricieux...

    Au bord de la rivière Kokomeren Au bord de la rivière Kokomeren 

    N'est-il pas plus heureux et plus riche celui qui habite et chemine toute l'année dans cet environnement par rapport à ma vie de citadin au coeur d'une morne capitale ?

    Et que sommes-nous au milieu de cette étendue ? Au plus, un vulgaire grain de poussière mais suffisamment gênant pour contrecarrer l'oeuvre créatrice de la nature et nuire à ces paysages somptueux.

    Infiniment petit et infiniment grand

    Contentons-nous donc de rester simples admirateurs à l'image de cet oiseau farceur qui n'acceptera pas de se laisser photographier en vol. Pourtant le dessous de ses ailes cache une autre surprise : des reflets bleus étincelants.

    Oiseau aux ailes bleutées

    Ayant longtemps flânés dans ce décor, notre minibus nous rattrape à l'entrée d'une petite bourgade nommée Aral. Celle-ci se trouve à la confluence de deux cours d'eau dont les teintes différentes fusionnent en quelques mètres. Nous filons à présent sur Chaek pour nous ravitailler. Il s'agit d'une petite ville de 3000 habitants. Pendant que Lena sélectionne et rassemble les vivres, nous parcourons quelques stands de commerçants.

    Commerçants de Chaek

    Nous rendons également visite à une commerçante parlant français et pour qui "c'est un honneur de nous parler". Mais c'est tout autant le cas pour nous Madame ! Elle a appris notre langue pendant 5 ans à l'université de Bichkek et se fait une joie à chaque fois qu'elle a l'occasion de la pratiquer. Sa boutique proposant beaucoup de sucreries, cigarettes et boissons, je craque pour une tablette de chocolat (bonjour, je m'appelle P. et ça fait 15 jours que j'ai arrêté le chocolat . Mais je suis arrivé à Chaek et j'ai replongé ...).

    Commerçante parlant français et vendeuse de chocolat

    Nous traversons la rue pour rejoindre le véhicule. En attendant le retour de Léna, je regarde le va-et-vient des écoliers. Comme pour mes derniers voyages en Asie, je suis surpris par la belle tenue des enfants. Eux au moins ne sont pas sponsorisés par Kiabi ou Monoprix.

    Ecolières

    Je marque une pause dans mon récit de la journée pour aborder le thème de l'éducation. La scolarisation débute à 6 ans et est théoriquement obligatoire jusqu'à 17 ans. Mais dans une économie nomade et pastorale, le caractère obligatoire est un défi irréaliste : c'est pourquoi, dans les faits, des enfants restent encore en marge du système scolaire. Le jeune passe ensuite (s'il a de la chance) un examen très sélectif pour entrer à l'université. Le bac s'obtient en 4 ans. Après une année supplémentaire, on peut décrocher un diplôme supérieur puis plus tard la maîtrise et le doctorat. Les études peuvent être entrecoupées par le service militaire qui dure 1 an aujourd'hui contre 2 ans il y a encore quelques années.

    Nous reprenons la clé des champs dans un paysage verdoyant. Après avoir avalé notre pique-nique, nous nous faufilons au milieu des collines de velours pour rejoindre la gorge de Karakache, halte du jour.

    Prairie après Chaek Approche de la gorge de Karakache

    A proximité de semi-nomades, nous installons notre second campement. Je prends quelques minutes et réquisitionne un peu de monde pour réparer la porte de ma tente (celle qui ferme mal et qui n'est pas gardée la nuit) à la force des dents.

    Puis je profite des "animations" environnantes : je mitraille un papillon butinant de fleur en fleur  (je me suis encore plus excité que pour les yaks au Népal ... donc si vous souhaitez une de mes 372 156 photos de papillon qui butine, n'hésitez pas), regarde passer et tente d'approcher un troupeau de chevaux puis un autre d'ovins et de caprins.

    Papillon Chevaux Nomade rabattant son troupeau Nomade rabattant son troupeau

    Sur la fin d'après-midi, nous partons nous aventurer dans la gorge pendant 1 heure environ en longeant un cours d'eau. Les premiers arbres apparaissent sur les bas-côtés et même une petite forêt  avant de rebrousser chemin.

    Des arbres !

    Pendant que nous rentrons, j'en profite pour passer une nouvelle fois du coq à l'âne en parlant du mariage traditionnel et de sa conséquence directe : le divorce (enfin, c'est comme ça en Europe en tout cas ...).

    La cérémonie du mariage dure 3 jours au Kirghizistan. Le premier jour, les mariés sont derrière un rideau (Non ce n'est pas le Juste Prix). Les voisins et amis leur apportent des cadeaux qu'ils font passer par-dessus la tenture. Ils ont en échange le droit de voir les mariés (imaginez la déception lorsque les mariés sont moches ...). La famille du marié offre à celle de la femme du bétail : 1 vache, un cheval et 2 ou 3 moutons; mais également de l'argent (1000$) ... En retour, la femme apporte chez sa belle-famille du tissu, du feutre, de la vaisselle ... Les familles peuvent également dans certains cas offrir au nouveau couple un logement ou une voiture. L'union est officialisée devant un imam ou un équivalent puis vient la cérémonie administrative où s'échangent les alliances.

    Concernant le divorce : il est bien sûr plus courant en ville que dans les campagnes plus conservatrices. Dans ce dernier lieu, les femmes sont stigmatisées et éprouvent de grandes difficultés à se remarier contrairement au mari bien sûr ! Vous ne vous étiez quand même pas inquiété pour lui ? Parfois la femme peut (lire "doit") porter un voile surtout en présence d'anciens pour signifier qu'elle est mariée.

     

    Pendant que vous lisiez le paragraphe précédent, j'ai pressé le pas sur le chemin du retour et ai ainsi eu le temps de prendre une douche dans la rivière. (Je vous ai bien eu !) Je vais ainsi pouvoir danser toute la soirée devant mes compagnons de route pour me réchauffer.

    A mon retour du frigo, le guide nous annonce que la famille de semi-nomades à côté de laquelle nous sommes installés nous invite à venir les voir et à partager un moment de découverte réciproque. Première démonstration de l'hospitalité kirghize qui n'est pas un vain mot comme nous aurons l'occasion de le voir. Autour d'un bol de yaourt, nous entrapercevons un fragment du quotidien de cette famille d'éleveurs de bovins qui monte dans les alpages entre mai et début octobre. La grand-mère est arrivée quelques jours avant le déménagement à Chaek pour l'hiver. 3 enfants gambadent dans la maison et découvrent les sucreries offertes par Azamat : 2 filles de 6 ans et 2 ans et un garçon de 4 mois. L'intérieur de leur habitation est relativement sobre : quelques tapis et peaux de bêtes couvrent partiellement un sol en bois et un seul meuble (en dehors de la table) emplit l'espace, il fait office de poêle et de cuisinière.

    Avec ses instants chaleureux en tête, je sombre lentement dans les bras de Morphée en espérant que la journée de demain soit au moins aussi bonne...


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